Voilà l'article qui m'a valu une exclusion en 2014 !
Voilà le contexte : je rédige depuis peu, une fois par trimestre, un article de sexo-art-thérapie pour le magazine Sexualités Humaines et juste avant l'été 2014, j'ai envie de pousser un coup de gueule, comme disent mes ami(e)s je ne l'ouvre pas souvent mais quand je l'ouvre c'est que vraiment... enfin bref et là le voilà cet article... Et la rédactrice en chef me conseille de ne pas le publier car trop... Je ne sais plus, bref il ne sera pas publié et en prime elle me demandera soit de faire une rubrique critique d’œuvre d'art côté sexologie artistique (critique d'art, je ne suis pas donc je refuse) ou d'arrêter... Mon choix a été clair.
Je n'ai pas de patient ou très très peu, mais je préfère ça et me regarder dans le miroir tous les matins sans le briser...
"Allons-nous devenir responsables de nos articles ?
Alors que je voulais lancer un coup de gueule pour cet été, je me suis aperçu que l'article paraîtrait à la rentrée…
Avez-vous remarqué la presse grand public chaque année ? J'ai vraiment l'impression que nous, professionnels de santé spécialisés en ceci ou en cela, créons les malaises que nous allons traiter en septembre.
Au printemps, les magazines lancent des sujets autour du poids à perdre pour rentrer dans son maillot ou sa petite robe à fleurs. Quid des messieurs ? Je ne sais pas si vous l'avez constaté comme moi mais, en général, ce type de magazine vise les femmes, cibles faciles et très réceptives.
Et arrive l'été... La presse féminine prône le lâcher-prise en matière de sexe : il faut absolument essayer des sextoys parce que tout le monde en a, se mettre à l'échangisme pour le piment dans le couple, adopter la cuisine aphrodisiaque parce que c'est bon et que ça se fait, essayer le séjour spécial love, adopter les applications spéciales "hot" sur son "I-phone" … et les plages " spécialisées sexe ", au Cap d'Agde par exemple, afin de toucher de près le pluralisme et je ne sais quelle autre pratique inédite.
Mais qu'en est-il de la réalité le reste du temps ?
Cette année, je me suis promenée dans les rayons de maisons de la presse, en me disant que cela avait peut être changé. Et bien non, sacrebleu, les mêmes titres, les mêmes injonctions, qui nous dictent les comportements que nous devons adopter !
J'ai l'impression, en écrivant cela, de venir d'une autre planète mais nous sommes des professionnels et nous avons une responsabilité envers nos patients. Suis-je la seule à repenser à notre formation, lorsqu'on nous enseignait que la neutralité était essentielle ?
Imaginez des personnes, ne se débrouillant pas trop mal avec leur vie sexuelle, lisant des articles les enjoignant "d'avoir de l'audace au lit" ou de "libérer leur côté sauvageonne", faute de quoi elles ne seront pas équilibrées, leur prescrivant ce qui marche en matière sexuelle...
Imaginez ces mêmes personnes face au supplément "spécial sexe" du magazine, complétant les fameux tests pour connaître leur type de personnalité au lit ou découvrir leur "super pouvoir sexuel", comparant leur sexualité à des témoignages de pratiques "performantes".
Ils ou elles pensaient que cela allait les aider et ils ou elles se retrouvent un peu plus perdu(e)s dans leur sexualité.
C'est là que l'on crée de toutes pièces les futurs patients !
Pardonnez-moi, mais je trouve cela scandaleux du point de vue éthique.
Nous nous devons d'accompagner les personnes voulant aller d'un point A à un point B, mais seulement celles qui veulent être accompagnées pour ce déplacement...
Personnellement, j'ai choisi ce métier pour aider les personnes qui ont une plainte sexuelle, pas pour prendre en charge les problèmes causés de toutes pièces par un dictat médiatique cherchant le profit à tout prix.
Nous sommes dans une société de consommation tous azimuts, y compris de sexe mais, de grâce, évitons de créer des problèmes là où il n'y en a pas.
Essayons de garder le respect de notre profession.
Avec ce "coup de gueule" je vous demande, chers collègues, de réfléchir à notre rôle d'aidant en matière de sexualité, de revoir notre position face à la personne en demande de repères. N'avons-nous pas une mission d'accompagnateur et non de dictateur du comportement à adopter ? Avant d'écrire quoi que ce soit, pensons à la portée de nos écrits et à leurs répercussions, prenons le risque d'avoir moins de patients et de pouvoir encore nous regarder dans un miroir.
Prenez deux minutes et mettez-vous à la place de vos patients en souffrance... Alors, quel effet cela fait-il de ne pas correspondre au schéma dicté par les médias ?
Il faut savoir se décentrer, prendre suffisamment de recul, pour comprendre l'autre comme il se doit, dans sa propre normalité et ne pas l'entraîner malgré lui dans un tourbillon d'injonctions œuvrant dans sa vie intime et sexuelle".
Cathy Wojtyna,
Sexo-art-thérapeute, formatrice
Le Vigan